Au lendemain de la tristesse...




Robin,

Tu connaîtras peut-être ces instants que l'on vit comme s'ils étaient les derniers...
Et qui pourtant, à l'infini semblent s'allonger.

Tu sais, il se peut que tu voies dans chacune des couleurs du ciel la nuit qui arrive,
Que le vent ne soit pour toi que ce qui s'en va.

Et que sur tes lèvres s'installe le sel de tes larmes.

Il se peut que tu ne te sentes que tristesse.
Et que le monde autour se pare de ce qui te manque.
L'amour, l'être cher, le rêve, la joie, l'innocence ou les illusions...

Il se peut que tu ais mal de cette tristesse.
Et tu sentiras peut-être cette boule, au fond de ta gorge, qui menace d'exploser au moindre battement...

Il se peut que tu souffres et que tu essais de le cacher.
Tu te diras peut-être qu'ils ne comprendraient pas.
Alors que, tu sais, tous sont comme toi.

Il se peut que tu te sentes vulnérable.
Et terriblement seul.
... Mais tu ne l'es pas...

Tu connaîtras peut-être cette sensation que tout n'est que fin.

Si tout cela arrive à toi, je te souhaite de le vivre le plus pleinement possible.
De goutter le sel de tes larmes,
De sentir la gravité de ton corps en cet instant.

Parce que ressentir une fin te donnera aussi les clés d'un début.
Parce que le monde est au-delà de la tristesse...
Je t'en fais la promesse.

 ..............

J'ai pris la route et, pendant plusieurs heures, je n'ai vu que ce que je quittais...
Ce que je laissais derrière moi.
Et, tu sais, mes larmes ont coulé sans discontinuer...

Je suis arrivée ici un peu perdue...
Ne sachant plus ce que j'étais venue chercher.

La neige s'est mise à tomber avec la nuit, ça l'a parée d'une dimension nouvelle.
Sur le rideau noir s'étalaient désormais de petites perles blanches en mouvement...
Alors j'ai arrêté ma marche et l'ai laissée glisser sur mon visage.
Comme il fut bon de la sentir réveiller mon corps et remplacer mes larmes un instant.

Je suis entrée dans ce refuge d'un soir.
Tout n'était que douceur et accueil bienveillant.
Et pourtant, j'étais encore tellement seule à l'intérieur.
Tellement fatiguée, tu sais.

...Un vide immense...


Alors j'ai voulu gouter la neige une fois encore avant de sombrer dans la nuit profonde des montagnes, et suis sortie un moment.

Elle était là...

La biche.

Paisiblement allongée sur le sol blanc, sa tête levée vers moi... Aucune peur dans son corps apaisé, elle était à sa place.
Moi à la mienne.
Le temps s'est allongé.
Et c'était doux. C'était le silence ouaté du paysage enneigé, et la résonance de mon cœur tout à coup.
C'était le présent, simplement.
...
Et j'ai souri, j'ai ri et j'ai pleuré encore.
Mais les larmes n'avaient plus le même goût.
Elles avaient la saveur d'une vie nouvelle.
Elles traçaient en moi une douce ligne de confiance.
Réveillaient la vie.

C'était bon, tu sais.
Cet instant.

...

L'aube prend son temps, je l'avais oublié.
Le corps ne se réveille pas tout à coup.
Il s'étire dans le temps, fourmille par moment, replonge parfois dans le néant, mais il est là, de plus en plus présent...
Et la Vie et l'Amour en lui.

Et lorsque je l'oublierai à nouveau, j'irai chercher en moi la saveur de la neige, son craquement sous mes pas, le chemin qui emplit, et la confiance de la biche, là, devant moi...

...........................

Robin,

Tu connaîtras peut-être ces instants que l'on vit comme s’ils étaient les derniers...
Et qui pourtant, à l'infini semblent s'allonger.

Si tout cela arrive à toi, je te souhaite de le vivre le plus pleinement possible.

Parce que ressentir une fin te donnera aussi les clés d'un début.
Parce que le monde est au-delà de la tristesse...
Je t'en fais la promesse.

C'est une biche qui me l'a soufflé à l'oreille, alors que la neige tombait drue sur les montagnes alpines...
C'était un soir d'hiver, tu sais, et j'avais cru, un instant, la nuit noire à jamais...

...

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